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29/03/2024
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tribune

Le diable s’habille en contrefaçon

Louis Vuitton, Longchamp, Michael Kors ou encore Hermès, quelle femme n’a jamais rêvé de porter ces sacs de luxe ? Rolex, Piaget, Jaeger-LeCoultre, voire Patek Philippe, quel homme n’a jamais rêvé de porter de telles montres à son poignet ? À défaut de pouvoir financièrement se les acheter, la tentation de la contrefaçon est souvent très grande pour de telles marques de luxe !

Mais en définitive, comment réagit le consommateur face à la contrefaçon de marques de luxe qu’il peut déjà posséder ou qu’il souhaite acquérir ? Cela peut-il influencer sa loyauté envers cette dernière ?

La résistance à la contrefaçon, définie comme la propension du consommateur à préférer et défendre sa marque de luxe face à une contrefaçon, représente une voie de réponse à ces questions. Son incidence est analysée dans le cadre de l’évaluation de l’expérience de consommation, des risques encourus, et in fine de l’impact sur la fidélité envers la marque originelle. Si l’expérience de consommation vécue est directement liée aux réponses affectives, émotionnelles et comportementales ressenties, le risque perçu est quant à lui relatif aux répercussions sociales et personnelles qu’un tel acte d’achat comporte, comme par exemple la perte d’estime de soi ou la dégradation de l’image de soi.

En termes économiques, la contrefaçon est un fléau mondial touchant tous les secteurs comme celui du luxe, mais aussi des produits industriels ou pharmaceutiques. Les fabricants de marques contrefaites sont souvent localisés dans des pays d’Extrême Orient ou plus proches de nous, comme la Turquie ou les pays du Maghreb. Le Maroc n’échappe ainsi pas à la règle et présente la double particularité de proposer de nombreux articles de luxe contrefaits, tout en offrant aux acheteurs les plus fortunés la possibilité d’acquérir les marques originales de ces produits contrefaits. Une recherche centrée sur ce pays a été menée par nos soins, sur une population très confrontée au phénomène de contrefaçon, afin d’évaluer la résistance que développent les acheteurs marocains de vraies marques de luxe, ainsi que les répercussions sur l’expérience de consommation, le risque perçu et l’attitude envers la marque, et au final son incidence sur la fidélité à cette dernière. Globalement, cette résistance impacte positivement surtout l’attitude envers la marque, suivie à un degré moindre par l’expérience de consommation et enfin par le risque perçu. L’ensemble de ces variables de résistance contribue aussi à renforcer la fidélité à la marque de luxe originelle.

Pour autant, une segmentation plus fine permet de mettre à jour trois groupes spécifiques de consommateurs marocains : les résistants à la contrefaçon et attachés à la marque de luxe, groupe surtout constitué de femmes, dans la tranche d’âge 45-54 ans, d’une catégorie socio-professionnelle élevée et acheteuses de marques de vêtements telles que Prada, Chanel, Dior ou Yves Saint Laurent ; les détachés, composés d’hommes d’âge mûr de 55 ans ou plus, sont plus éclectiques dans la possession de marques de luxe, comme les montres Rolex ou les costumes ; les sensibles à la contrefaçon, réceptifs à ce type de produits, envisageables comme une alternative plausible d’achat, et constitués d’une population plus jeune, les 25-44 ans, et plus concernés par des marques à la mode comme par exemple Armani ou Mickael Kors.

Cette étude fournit aux managers des leviers d’action spécifiques suivant les segments de clientèle concernés par le type de marque de luxe dont ils ont la charge.
Transposer cette analyse dans un contexte français constitue une extension interculturelle pertinente, prometteuse et digne d’intérêt.

Par Pierre Valette-Florence, Professeur de marketing et Recherche commerciale à Grenoble IAE Pour aller plus loin : Siham Mourad et Pierre Valette-Florence, « Improving prediction with POS and PLS consistent estimations: An illustration », 2016, Journal of Business Research