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28/03/2024
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tribune

Agences, polices et bad buzz - une tribune de Jean-Michel Laurent - EXTENSIS

Environ 1% des agences utilisent uniquement des polices de caractères dont elles ont acquis les droits. Un chiffre symbolique dans un monde où de plus en plus d’autorités se battent pour défendre le droit d’auteur.

Pourtant, aujourd’hui, au travers d’un logo, d’un visuel ou d’une campagne de communication, l’image est un élément stratégique de la vision projetée par les sociétés. Un « détail » manipulé en amont par les agences qui n’en est finalement plus un lorsque la campagne virale vire au bad buzz. Utiliser une fonte en accès libre sur le web est certes rapide et facile, mais engendre des conséquences qui peuvent rejaillir sur la marque comme sur l’agence.

Pourquoi acheter des polices quand elles sont disponibles gratuitement sur le web ?

En janvier 2010, Hadopi confie la confection de son logo à une agence créative. Immédiatement, la communication devient virale. Et pour cause : le logo présenté par l’agence utilise en réalité une police de caractère frauduleuse. Créée dix ans plus tôt à l’attention exclusive de France Telecom, la police « Bienvenue » qui s’est invitée dans le logo Hadopi a provoqué un tôlé : la Haute Autorité s’est vue raillée par la presse et par le public, et ce scandale n’a pas contribué à sa bonne image déjà assez impopulaire. Une mauvaise presse pour le client, et encore plus pour son agence.
Si l’agence sollicitée par Hadopi a changé d’identité deux ans plus tard, cette polémique a permis à l’écosystème des agences de prendre conscience de l’importance des polices de caractères. Loin d’être un détail, elles incarnent un élément scruté de l’image contrôlée par les marques, épinglée par les internautes. Un site web, l’adresse d’une boutique, les avis clients, un logo ou une typographie : tout participe désormais du domaine de communication, et rien n’exprime plus le positionnement que le choix esthétique d’une police de caractères. Ainsi, Eiffage, un acteur du bâtiment, a choisi de graisser légèrement les caractères de son logo : opération réussie pour véhiculer l’idée de la force de ses équipes.


Des usages qui commencent à changer

Utiliser une police sans l’acheter est devenu une pratique habituelle. La faute incombe sans doute à l’idée que les internautes se font du web : une plateforme où tout est gratuit, et où ce qui ne l’est pas est échangeable. Sans aller jusqu’à « pirater » les droits d’auteurs, bon nombre d’agences cherchent de l’inspiration ou des outils sur internet, là où les typographies se trouvent souvent en libre-service.
Aujourd’hui, si payer pour acquérir un droit d’image est rentré dans les mœurs, les droits d’auteur inhérents aux polices de caractères restent encore incompatibles avec les usages du web. Les licences de polices n’arrangent rien. Délimitant les conditions d’exploitation d’une police, elles sont définies pour un nombre d’utilisateurs, de supports et pour un pays donné. Un process d’utilisation complexe pour des agences qui ne sont pas encore habituées à passer par des voies, certes plus légales, mais plus retorses. Les licences de polices, par la complexité de leurs conditions et par leur règlementation, n’encouragent pas les agences à transgresser leurs pratiques séculaires.

La spécificité des licences de polices, la digitalisation de la communication et l’hyperpersonnalisation des stratégies d’influence font aujourd’hui des typographies un outil aussi probant que les visuels pour travailler l’image d’une marque. L’utilisation frauduleuse de polices s’est pourtant avérée nuisible pour les clients comme pour leurs agences. Ces
conséquences pourraient pourtant être évitées en constituant une typothèque, en demandant une démonstration gratuite aux typographes, préalable à l’achat des polices, ou en évangélisant le coût du travail de recherche sur la typographie auprès des clients. Une pratique qui commence néanmoins à être de plus en plus utilisée, alors que les agences, poussées par un besoin de conformité, comprennent peu à peu que les polices de caractères sont autant soumises aux droits d’auteur que le graphisme ou la photographie. Acheter une typographie peut coûter cher, mais ne pas l’acheter peut coûter bien plus cher.