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25/04/2024
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tribune

Bousculer la conception des espaces de travail

Il y a les lois. Il y a la vie, et des habitudes à changer dans la conception des espaces tertiaires.

Faire avancer les lignes. 
Les entreprises qui y réfléchissent et certains promoteurs en sont conscients. Par contre, personne n’est réellement au clair sur ce que cela structure en terme de réflexion et d’ingénierie de la construction et c’est sur ce point qu’il faut concentrer nos efforts. En deux mots : avoir des espaces « design » ou « jolis » et « confortables » à l’œil ou choisir le flex-office est simple. Les cabinets de space planning ou les architectes font de la prescription de « mobilier image » et l’industrie du design est structurée en regard. Ces espaces sont donc à nouveau largement standardisés et finalement sans grande originalité. Ils sont un nouveau standard et rien n’a changé dans cette façon-là de faire du bureau. Ce qui doit donc être pensé, c’est l’ingénierie de la conception et la question des lots d’équipements, car tout le monde y gagnera.

Une nouvelle approche de la conception plus atypique et féminine.
La méthode qui tend à se déployer est l’approche, souvent manichéenne de l’entreprise concentrée sur son business et de l’agence uniquement dédiée à la forme. Les deux se font confiance mais oublient d’intégrer la question du design dans un projet global d’entreprise. Or quand il s’agit de remettre de l’humain dans les organisations, les équipes multidisciplinaires (architecture-design-sciences humaines spécialisées) s’imposent comme des partenaires du management. Les agences ou les ateliers de design, qui envisagent ainsi leur rôle, développent un nouveau métier, sensible, qui s’élabore en partenariat avec les entreprises ou les promoteurs.

Le résultat est que la démarche de rationalisation n’est pas la même. Les architectes ou les spaces-planneurs font le chemin du macro au micro (ce bâtiment, ces flux, ces meubles), le design le fait du micro au macro : à l’échelle de l’architecture, mais de l’intérieur, au niveau de la vue, des mains, des chaussures et du plateau de cantine, ce qui est très différent.
Ces équipes doivent être intégrées dès les phases de programmation. C’est avec les enquêtes des ressources humaines, des Comex et d’équipes projet internes, soit à la croisée des employés tels qu’ils rêvent leur entreprise, des Comex telles qu’ils la veulent et des remontées qui sont autant d’indices d’un climat, d’une ambiance, d’un esprit que se font les choses. La démarche qui va donne une nouvelle voie ou poursuit le changement de l’organisation – soit la forme de l’entreprise – c’est le design. Il vise non pas à standardiser une démarche – cela c’est le concept historiquement moderne de l’architecture sur lequel l’industrie du bâtiment s’est construite – mais plutôt avec ce qui se nomme aujourd’hui le bureau générique et qui relate l’expérience des bureaux construits dans les Magasins généraux à Pantin : soit un design qui prend soin de recouper les questions et offre des solutions sur mesure au même prix que du standard, en utilisant les extraordinaires savoir-faire et la souplesse de développement des entreprises qui composent l’industrie du design : de la grande entreprise aux artisans. Cela s’est fait et est faisable. En dialogue avec l’entreprise, l’atelier a pensé chacun des outils de travail comme un projet de design générant l’organisation du travail fabriqué à l’échelle industrielle ou artisanale.

Et l’on sera encore plus rationnel en intégrant ces questions et ces développements dans des phases d’ingénierie de la conception, qui concernent les promoteurs, les directions de l’immobilier ou financières en concevant et architecturant les lots différemment.

Déménager ou réaménager : open space et flex intelligent.

La vision des bureaux en batteries est aujourd’hui révolue et il y a de nouvelles façons de subtilement décaler les grilles architecturales qui, tout en les respectant, permettent aux usagers des open spaces un rapport différent au travail, même en flex-office. Ce dernier est avant tout une mesure de rationalisation financière de l’espace et des coûts structurels d’un poste de travail : économiser 20 et 30% de ces sommes à l’échelle de plusieurs centaines ou milliers de personnes, est évidemment un gain.

Il y a un vécu douloureux et traumatique du flex dans certaines cultures d’entreprise. Les « employés » ou les managers qui n’ont plus alors, leurs ouailles sous les yeux : le flex met au départ tout le monde à l’épreuve. Mais il y a aussi des façons non naïves d’accompagner ce passage. Des leviers existent, les informations à faire redescendre au cours du projet sans le fantasmer, un reporting sur l’état de certaines réflexions, et des rencontres à certaines étapes.
Dans un système où votre bureau ne vous est pas attribué, une partie des individus aura tendance à se sédentariser, mais quand les typologies d’espaces sont construites sur mesure au plus près des usagers et dans le respect des métiers, ces derniers s’installent très naturellement dans celui qui est le plus approprié à leurs occupations du moment. La multiplication des types d’espaces, des types d’assises ou des ergonomies est une façon de le gérer. Pas la seule. Faire de la cantine un grand café accueillant où travailler en dehors des heures du repas, c’est réintégrer des codes externes à l’entreprises pour plus de bien-être, cela veut dire par contre décider de sortir la cantine du sous-sol !

Accompagner son temps et penser collectivement.
Il est grand temps, au moment de la fragmentation des économies et d’un monde qui s’inquiète, d’investir, non pas le territoire du cool, les principes modernes ou post-modernes du design ne le sont pas, mais dans les lieux du travail harmonieux.
C’est aussi une fable de penser que seuls les plus jeunes générations en sont capables. Partager et n’être plus propriétaire de son espace si l’ensemble des espaces gagne en qualité est un enjeu collectif. Airbnb et Blablacar ne concernent pas que des moins 35 ans et sont des outils de « déplacements » et de « mise en commun », une façon d’utiliser « l’accès à ce qui n’est pas à soi », dont toutes les générations se sont saisies.
Soulignons enfin, qu’aujourd’hui les outils, sont les mêmes pour tous : le lap-top et le smart phone sont les outils génériques de tout travailleur à quelque niveau hiérarchique qu’il soit. Cela est, certes, un rêve de designer – à tout le monde la même machine sans préjugés – mais, surtout, introduit un univers de possibles dont les équipes de conceptions et l’entreprise sont, ensemble, à même de s’emparer afin de dire les nouveaux modes de gouvernance et d’esprit qui les animent.

(1) Quinze designers et cinq équipes d’architectes ont réalisés les projets des Magasin généraux sous la direction de programmation, artistique et opérationnelle de T&P Work UNit.

Catherine Geel Co-fondatrice de T&P Work UNit avec Sophie Breuil et Marie Lejault Programmation – direction artistique et opérationnelle des Magasins généraux. École normale supérieure de Paris-Saclay - Membre du CDRED – ENS-Paris-Saclay. Le bureau générique. Same Money. Different Economy. Paris : T&P Publishing 2018.

T&P Work UNit : 16 rue Taylor – 75010 Paris. + 33 1 42 45 04 84